Conscience Digitale & Résilience : Extrait de l’interview de Delphine Caprez.

Conscience Digitale & Résilience : Extrait de l’interview de Delphine Caprez.

D’après le Podcast/Vodcast “Digital Consciouness and Resilience : Interview with Delphine Caprez” publié le 2 novembre 2022 sur resiliencei.com. Traduit de l’anglais.

Delphine Caprez, qui fait partie de l’ équipe européenne du Resilience Institute et possède une riche expérience en matière de résilience. Elle est également co-auteure du livre « Performance <> Bienveillance : Osez le Care-isme ».

Comment la résilience a-t-elle suscitée de l’intérêt pour vous ? Comment pouvons-nous être plus résilients lorsque nous utilisons la technologie ?

Delphine Caprez : Mon histoire avec le Resilience Institute remonte à loin. En 2008, alors que je vivais à l’époque à Sydney, j’ai eu la chance de participer à un programme de résilience délivré par l’un des cofondateurs de l’Institut en Australie, Stuart Taylor. J’ai été époustouflée par les contenus. A cette époque, c’était la première fois que j’entendais parler de ce domaine et le voyais en action. Et cela m’a vraiment beaucoup intéressée. Et donc, d’une certaine manière, c’est là que ma carrière a changé, et que j’ai décidé d’étudier ce domaine. Mais avant cela, j’ai eu une sorte de révélation lorsque je vivais à Londres, juste avant de déménager à Sydney. J’ai passé quelques années à Londres à travailler pour une banque d’investissement, et j’étais si enthousiaste ! J’étais jeune, j’arrivais de Suisse, je venais d’arriver dans cette grande ville, Londres, la vitesse de Londres, son rythme… Je me souviens avoir adoré chaque minute. Dans cette banque d’investissement pour laquelle je travaillais, tout était disponible sur place ; Vous pouviez tout faire, depuis le bureau : Le coiffeur, le fleuriste, le dentiste, le médecin, la piscine et la cafétéria… certains dormaient même sur place ! À l’époque, je me disais que « C‘est génial ! Exactement tout ce dont nous avons besoin au même endroit !« 

Et puis un événement est arrivé. Un employé d’une banque concurrente s’est jeté du haut de plusieurs étages dans l’atrium, il s’est suicidé, au travail, juste à côté de mon bureau.

Et c’est ainsi que j’ai commencé à m’intéresser à ce domaine. Comment se préoccuper des employés tout en étant performant ? Peut-on allier la bienveillance ET la performance. Est-il possible de continuer à performer tout en gardant une vie personnelle et comment y parvenir ? Et c’est vraiment à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser au domaine du bien-être au travail et de la résilience. Donc une très longue réponse à ta courte question.

Je suis partie en Australie et j’ai commencé un master en bien-être au travail. J’ai pu vraiment entrer dans le domaine de la santé en entreprise et apprendre la partie stratégique ainsi que ce qui se cache derrière. Comment peut-on, en tant qu’organisation, intégrer une culture plus humaine, plus bienveillante qui fera partie des objectifs commerciaux ? Comment peut-on intégrer la bienveillance, la prise en charge des personnes dans une stratégie commerciale ? Et donc c’est vraiment ce que j’ai commencé à faire. Et puis, j’ai eu la chance de travailler pour une grande multinationale en tant que Responsable de la Santé ce qui m’a vraiment permis de me pencher sur la question. Analysez les besoins et les risques santé des collaborateurs, puis mettre en œuvre une stratégie ‘santé’ totalement alignée et intégrée sur ce que fait l’entreprise. Et comme je l’ai dit, offrir, je ne veux pas dire des outils, mais une manière différente pour que les gens puissent prendre soin d’eux-mêmes et donner le meilleur d’eux-mêmes. Et il y a toujours cette fine limite entre jusqu’où vous pouvez pousser vos équipes (et où il faut s’arrêter) pour obtenir le meilleur.

Nous savons tous que les meilleurs managers sont ceux qui savent jouer avec cela. Ils poussent au mieux, parce que vous avez besoin d’être poussé, vous savez, la courbe de performance et de pression. Vous avez besoin de cette stimulation, je dirais, pour donner le meilleur de vous-même, pour être dans le flow, au sommet de la performance, mais ensuite vous avez besoin d’un temps de récupération pour être capable de tenir sur le long terme. Nous sommes tous sur un ultra-marathon. J’aime le sport, l’activité physique et c’est une question de distance. Comment pouvez-vous tenir la distance ? Donc, comme je l’ai dit, j’ai eu la chance de travailler comme Responsable de la Santé pour de grandes organisations. Et puis, j’ai décidé de quitter le monde corporate et de me lancer comme consultante indépendante. J’ai ensuite rejoint le Resilience Institute et je peux maintenant aider plus d’organisation. Aider n’est pas le bon mot, plutôt accompagner les équipes et être un partenaire à un moment donné pour les encourager à aller du point A au point B.

Vous avez récemment écrit un livre. Pourrions-nous en savoir un peu plus sur le processus, le sujet et l’objectif du livre.

J’ai coécrit ce livre qui s’intitule « Performance <> Bienveillance Osez le Care-isme« .

C’est un jeu de mots avec un mot anglais « care ». Il s’agit donc d’une question de performance, de care (bienveillance) et d’oser être bienveillant, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Je l’ai co-écrit avec mon ex-collègue de Nestlé, qui est Responsable de la Sécurité dans l’organisation. J’étais quant à moi en charge de la santé. Nous travaillions donc ensemble. C’est aussi mon partenaire dans la vie. Nous avions tellement de choses à dire. Nous n’avions pas la prétention de tout connaître et nous ne prétendons toujours pas connaître les réponses. Cependant, nous voulions partager toutes ces expériences et pratiques que nous avons vécues et apprises tout au long de nos carrières de plus de 40 ans au total, et nous voulions aussi montrer ce qui n’avait pas marcher.

Je vous encourage à lire cet ouvrage si vous voulez être le plus performant possible en matière de care, savoir ce qu’il ne faut pas faire, ce qu’il faut faire et comment le faire mieux. Ce livre parle un peu de l’histoire de la santé et de la sécurité, de la raison de leurs existences et de la raison pour laquelle elles sont mises en place en entreprise. C’est une question de résilience, de communication. Un des plus grands sujets est autour de la communication parce que c’est une partie énorme de tout ça. En tant que leader et membre d’une équipe, comment pouvez-vous mieux communiquer pour obtenir le meilleur de votre équipe ? Comment prenez-vous soin de vous ? Le livre est sorti l’année dernière (novembre 2021) en français, et nous sommes en train de traduire une version anglaise. 

Le livre porte donc sur la santé et la sécurité, avec la résilience en toile de fond. Quand pensez-vous que la résilience sera considérée comme aussi importante que ces pratiques de base en matière de santé et de sécurité ? Pensez-vous que la résilience finira par faire partie de la santé et de la sécurité ?

J’adore la question. Je pense que c’est aussi la raison pour laquelle j’ai quitté le monde de l’entreprise d’une certaine manière, car la santé et la sécurité sont très statiques. Elles sont régies par des règles et des lois et de manière plutôt isolée, en silo.  Ma mission à l’époque était de vraiment intégrer l’ensemble de manière holistique. Tout est interconnecté. En parlant de sécurité, si vous vous coupez le doigt sur votre lieu de travail alors c’est un accident. Cependant, souvent vous n’analysez pas l’ensemble de la situation. La personne qui s’est blessée a peut-être dormi 2 heures cette nuit parce qu’il/elle vient d’avoir un bébé, parce qu’il/elle a un long trajet, ou pour tout autre raison, mais quel que soit la raison, ça fait toujours partie du problème (manque de sommeil, stress, employé peu bien, etc). Donc pour moi, la résilience commence déjà là. Mais la résilience, d’après mon expérience c’est juste mon opinion, c’est aussi une question de leadership. C’est un comportement et un comportement de leadership.  Oui, on parle souvent de changement de comportement dans des programmes de leadership, et ensuite vous abordez la résilience. Pour moi, la résilience des collaborateurs et des organisations est au-dessus de tout ce qui touche à la Santé et Sécurité au travail, ca l’englobe plutôt que cela en fait partie.

Vous avez un certificat en Bien-être numérique. Avez-vous quelques conseils pratiques ? Que devrions-nous faire et peut-être ne pas faire dans ce monde très actif.

La technologie, comme tu viens de le dire, fait partie de notre vie, elle fait partie du monde de l’entreprise, elle est partout. Et nous savons à quel point cela nous impacte, aussi bien positivement que négativement. Grâce à la technologie, nous apprenons tant de choses. Nous pouvons rendre notre vie bien meilleure, bien plus facile et bien plus rapide.

Dans quelle mesure êtes-vous conscient de la façon dont vous utilisez votre technologie ?

Plus que des conseils, c’est une façon de vivre. Je pense qu’il s’agit d’utiliser la technologie pour son propre bien, pour ses propres besoins, au lieu d’être utilisée par elle. Donc autant que vous le pouvez, soyez vraiment conscient de comment vous l’utilisez.

J’ai mon téléphone avec moi ici. Quand je me connecte, aux réseaux sociaux par exemple, c’est initialement juste pour 2 minutes pour vérifier quelque chose ; une demi-heure plus tard, je suis toujours dessus. L’ai-je consciemment décidé ? C’est comme ça.  Vous savez comment ça marche. C’est le système de récompense immédiate de la dopamine. C’est addictif. Nous sommes tous un peu dépendants de la technologie parce qu’elle est conçue de manière à nous rendre dépendants. Avez-vous déjà quitté votre maison sans votre téléphone récemment ?

Vous le ressentez physiquement, vous ressentez de l’anxiété. On ressent tous la chose, et c’est normal.  Ce que j’entends par être plus conscient, c’est trouver des moyens de l’utiliser pour votre propre bien. Je vais vous donner trois conseils qui fonctionnent pour moi, mais pas forcément pour tout le monde. Le premier conseil concerne votre environnement. Si l’environnement dans lequel vous évolué est rempli d’outils technologiques et que vous décidez de réduire votre consommation, cela pourrait être difficile. C’est comme avoir un paquet de cigarettes sur son bureau quand on essaie d’arrêter de fumer, avoir des chips et des biscuits dans son placard quand on veut perdre du poids. Donc c’est toujours la même chose. Vous savez que votre seule volonté n’est pas suffisante pour vous empêcher de regarder votre téléphone s’il est sur votre bureau. Notre cerveau n’est pas fait de cette manière. Je suis sûre que vous avez votre téléphone à côté de vous en ce moment. Et même s’il est en mode silencieux, avec l’écran face au bureau, sa seule présence suffit à vous distraire. Il faudra une certaine attention de votre cerveau pour dire, non, je ne vais pas le vérifier. Mettez-le dans autre endroit, une autre pièce, ou ayez une zone sans technologie dans votre maison ou au travail. Soyez simplement conscient que l’environnement est intrusif et très peu propice à vous aider à diminuer votre consommation.

C’est comme avoir une barre de chocolat sur son bureau et de se dire, oui, elle est là et je ne vais pas y toucher. Eh bien, ça va être très dur, et il vous faudra beaucoup d’énergie pour ne pas y toucher. C’est la première chose.

Le second conseil est consacré à la nature. Et j’ai mentionné plus tôt, vous savez, que j’aime les activités de plein air et le pouvoir de la nature. La nature vous aidera à vous reconnecter avec vos sens, avec vous-même. L’utilisation des technologies a pour habitude de réduire votre connexion avec votre corps et avec vos sens. Ainsi, lorsque vous allez dans la nature, vous vous reconnectez avec ce qui compte vraiment pour vous. Cela vous aidera également à vous recentrer. La nature a le pouvoir de vous aider à être dans le moment présent et à rétablir votre attention et votre concentration. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de la thérapie de restauration de l’attention.

Et aussi, nous savons que la nature réduit votre niveau de cortisol juste en étant présent souvent dans la nature, vous pouvez réduire votre stress. Être dans la nature vous aidera à être plus conscient, à être plus concentré, attentif à ce que vous faites, et à vous connecter à vos sens pour réduire votre consommation. Selon l’endroit où vous vivez, vous n’aurez peut-être pas la chance d’être proche de la nature. Mais même des photos de nature pourraient être suffisantes. Avoir des photos autour de soi pourrait suffire.

Et le troisième conseil, dont nous parlons beaucoup au Résilience Institute, est une question de multitâche et de mono-tâche. En ce moment, nous parlons ensemble. Nous sommes tous les deux devant un écran. Nous avons tous les deux nos téléphones à côté de nous. Nous avons 20 onglets ouverts, nous sautons d’un onglet à l’autre, nous répondons aux e-mails et nous vérifions le téléphone. Il se passe tellement de choses.

Cependant, nous savons que nous ne pouvons pas vraiment nous concentrer lorsque nous sommes en mode « multitâches ».  Le cerveau ne fonctionne pas de cette façon, et avec les technologies, c’est exactement la même chose. Pratiquez le mono-tâche avec vos outil technologiques, une chose à la fois. Si vous pratiquez le mono-tâche quelques fois par jour, cela vous aidera à réduire cette surconsommation de tant de choses en même temps.

Comme vous pouvez le constater, je ne parle pas des écrans, de la lumière bleue et de tout le reste. Donc mes trois conseils:  environnement propice, nature et le mono tâche sont une façon de vivre.

Nous pensons que nous apprenons des choses. Mais en fait, lorsque nous faisons deux choses en même temps, nous plaçons les informations au mauvais endroit et nous ne savons pas comment les récupérer. Je pense aux adolescents qui apprennent et étudient, devant à l’écran, ave WhatsApp, a télévision, et la radio, etc. Ils n’apprennent pas de la même façon parce que le cerveau ne traite pas l’information de la bonne manière au niveau du striatum.

Qui vous inspire Delphine ?

 Je vais répondre très simplement, Brenée Brown. Je l’ai découverte il y a plusieurs années. Tout son travail sur la vulnérabilité est brillant et c’est un vrai défi à relever. Elle m’inspire. C’est donc la première réponse, je dirais, officielle. Quand j’ai réfléchi à cette question ces derniers jours, j’ai également été inspirée par des personnes qui luttent, comme des personnes qui ont subi des traumatismes dans leur vie et qui ont rebondi et sont revenues plus fortes. Et j’ai pas mal d’exemples autour de moi. Je fais partie d’une association qui travaille pour les personnes ayant subi un traumatisme crânien et un traumatisme cérébral. Nous travaillons donc avec elles, et certaines d’entre elles ont des difficultés physiques et des difficultés d’apprentissage ou de l’aphasie. J’ai donc fait beaucoup de choses avec eux cet été, en lien avec la nature et les sorties. Et donc pour moi, c’est tellement inspirant de les regarder, ils ont dû réapprendre à parler, à marcher, à tout faire. Et quand vous passez une journée comme celle-ci et que vous essayez de monter sur un paddleboard alors que vous n’avez qu’un seul bras valide, qu’ils essaient de tenir la pagaie et d’avancer, tout simplement. Pour moi, c’est extrêmement inspirant de voir qu’on peut revenir, qu’on peut lutter, et que si on a la volonté, on peut surmonter les difficultés. Ça m’a aidé à continuer aussi.

Avez-vous des recommandations de livres préférés?  Que lisez-vous en ce moment ?

J’aime les livres. Je vais en mentionner deux, un en anglais et un en français, puisque je lis souvent dans ces deux langues. Respirer, le pouvoir extraordinaire de la respiration de James Nestor. Je l’ai lu pendant l’été. Il m’a été recommandé par l’une de mes amies, qui est chanteuse professionnelle, et il est totalement, non pas accablant, mais vraiment inspirant. De nombreux conseils sur la façon de mieux respirer, de respirer différemment, les dommages si vous ne respirez pas bien ou si vous ne respirez que par la bouche, plutôt que par le nez, à quel point cela vous endommagera et à quel point nous nous sommes endommagés nous-mêmes en tant qu’humains au cours des siècles. La façon dont nous mangeons, ce que nous mangeons, comment nous mâchons, tout a une incidence sur notre squelette crânien. Et ça affecte négativement notre respiration. Voici pour le 1er livre. Et le second s’appelle La Symphonie du Vivant, par Joël de Rosnay. Et il s’agit de savoir comment l’épigénétique peut changer votre vie. Et il a été professeur au MIT. Il est français, et a en fait l’âge de mon père, qui a 84 ans cette année. Il travaille toujours. L’épigénétique concerne la partie des gènes que vous pouvez influencer rapidement. Il n’est pas nécessaire d’avoir trois générations pour changer nos genes. En une seule génération, on peut influencer notre état grâce à la nutrition, l’activité physique, la méditation et la relaxation. Prendre soin de soi a un impact sur la génétique. C’est fascinant.

 Une dernière réflexion ?

« Prenez soin de vous parce que personne ne le fera pour vous« .

La prise en charge commence par vous-même.  Et si vous avez des questions sur la façon de réduire consciemment votre consommation de technologies numériques, je serais plus qu’heureuse de répondre à vos questions. Mais il s’agit de prendre soin de vous. Comme je l’ai dit, personne d’autre ne le fera à votre place.

Alexias Michiels – HR Today n°05 – Octobre 2022

Alexias Michiels – HR Today n°05 – Octobre 2022

Publication originale dans le numéro 05 de HR Today – Octobre 2022.

Comment détecter et valoriser les personnes résilientes en organisation ?

Nous pouvons tous renforcer notre résilience en adoptant des pratiques et des routines simples, tant au niveau individuel que collectif, et en commençant par cinq facteurs clés.

C’est l’un des enseignements principaux d’une large étude menée par le Resilience Institute auprès de près de 24 000 professionnels dans le monde.

ESSEC Alumni – REFLETS #144 – Aout/Septembre 2022

ESSEC Alumni – REFLETS #144 – Aout/Septembre 2022

Publication originale dans le magazine REFLET #144 par ESSEC ALUMNI.

Cinq compétences clés que les professionnels les plus résilients ont maîtrisées pendant la pandémie.

En 2021, 2 814 leaders dans 73 pays interrogés sur l’impact de la pandémie ont classé la résilience au premier rang de leurs priorités, reconnaissant qu’un socle de résilience peut faire la différence entre une organisation qui vacille et une organisation qui prospère dans un monde en profonde mutation. La résilience constitue désormais un enjeu stratégique discuté en comité exécutif et en conseil d’administration.